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« Être reconnu Français ou mourir sans papiers » : le combat d’un Français d’origine algérienne pour recouvrer sa nationalité

Depuis 2011, Mohamed Zeggai, Français né de parents algériens, mène un combat juridique contre les autorités françaises pour faire reconnaître sa nationalité. Un combat à travers lequel il porte la voix de tous les natifs de France privés de leur nationalité française    
Après plus de dix ans de combat, Mohamed Zeggai, qui n’a jamais mis les pieds en Algérie, se dit « défrancisé » (avec l’aimable autorisation de Mohamed Zeggai)    
Après plus de dix ans de combat, Mohamed Zeggai, qui n’a jamais mis les pieds en Algérie, se dit « défrancisé » (avec l’aimable autorisation de Mohamed Zeggai)    

Mohamed Zeggai, né au Havre, en France métropolitaine, en 1956 de parents algériens, a été déchu de sa nationalité française en raison de l’ordonnance du 21 juillet 1962 qui a imposé une déclaration récognitive de nationalité française aux Algériens voulant maintenir la nationalité française à l’indépendance en 1962.

À cette époque, la population en Algérie était divisée en deux catégories : les Algériens indigènes – rassemblés sous un statut personnel de droit local régi par la loi musulmane et disposant de la nationalité française – et les citoyens français qui avaient un statut civil de droit commun régi par le code civil.     

Comme stipulé par l’ordonnance du 21 juillet 1962, « les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l’annonce officielle des résultats du scrutin d’autodétermination » ont conservé la nationalité française « quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ».

Contrairement aux indigènes, les colons n’ont pas été obligés de signer une déclaration récognitive. Ils ont été automatiquement reconnus français. Quant aux Algériens, la France leur a donné le choix à l’indépendance de choisir leur État d’appartenance.

Les Algériens de statut personnel de droit local qui ont à l’indépendance conservé leur statut personnel musulman ont perdu la nationalité française, sauf s’ils ont souscrit, sur le territoire métropolitain, à une déclaration récognitive de nationalité française avant 1967.

Une déclaration que les parents de Mohamed Zeggai – qui avaient un statut personnel de droit local régi par la loi musulmane – n’ont pas signée. Plus d’un demi-siècle plus tard, il en paie les conséquences.

« Comme un réfugié sans papiers après 66 ans passés en France »

Mohamed Zeggai a vécu sans discontinuité en France, au Havre, à 176 km à l’ouest de Paris, où il est allé à l’école, s’est marié et est devenu père.

Bénéficiant d’une carte d’identité et d’une carte électorale depuis 2005, c’est en toute confiance que ce Français né de parents algériens s’est dirigé à la préfecture en 2011 pour obtenir un certificat de nationalité.

Quand le greffier l’a informé qu’il ne pouvait pas recevoir de certificat de nationalité et qu’il devait remettre sa pièce d’identité, Mohamed Zeggai a pensé qu’il s’agissait d’une erreur

« Je voulais le joindre au dossier de mon épouse qui voulait soumettre une demande de nationalité française après plus de 30 ans de vie commune passée aux côtés d’un mari français et d’enfants français », confie Mohamed Zeggai à Middle East Eye.

Ainsi, quand le greffier l’a informé qu’il ne pouvait pas recevoir de certificat de nationalité et qu’il devait remettre sa pièce d’identité, Mohamed Zeggai a pensé qu’il s’agissait d’une erreur.     

« On m’a expliqué que je relevais du droit local par mes parents, et n’ayant pas trouvé de déclaration récognitive, que je ne pouvais pas retirer de certificat de nationalité. Mais ils m’ont aussi demandé de remettre ma pièce d’identité, que j’avais obtenue en toute légalité », raconte Mohamed Zeggai. 

En sortant de la préfecture ce jour-là, Mohamed Zeggai était loin de se douter que son parcours du combattant juridique continuerait jusqu’à ce jour.

Un parcours du combattant

L’homme a d’abord saisi le ministère de la Justice, qui a confirmé la décision de la préfecture et lui a suggéré de réclamer sa réintégration dans la nationalité française par décret auprès du ministre de l’Intérieur.

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Une année plus tard, en 2012, Mohamed Zeggai a demandé une seconde fois un certificat de nationalité auprès de la préfecture. Une demande qui elle aussi a été rejetée. Le concerné a alors décidé de s’en remettre à la justice.

Il a saisi le procureur de la République du tribunal de grande instance de Lille afin de faire valoir sa nationalité française mais le représentant du ministère public a rejeté sa demande.

Les tentatives suivantes ciblant la cour d’appel de Douai ainsi que la Cour de cassation ont également échoué.

Après cela, Mohamed Zeggai a saisi le ministère de l’Intérieur, qui lui a suggéré, comme le ministère de la Justice, de demander sa réintégration dans la nationalité française.

« Pourquoi retirer une nationalité initiale de naissance pour ensuite la transformer en une nationalité par réintégration, à quoi cela sert-il de la retirer pour la redonner autrement ? », interroge Mohamed Zeggai, qui réclame la réhabilitation. 

« Désormais, je vis comme un réfugié sans papiers après 66 ans passés en France. »

Une requête « partiellement irrecevable »

Les échecs encaissés depuis 2011 n’ont pas dissuadé Mohamed Zeggai. Ce dernier a décidé, comme énième tentative, de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en introduisant une requête en décembre 2019.

Le requérant a plaidé devant la CEDH la discrimination au sein de la même fratrie, selon l’année de naissance, en se basant sur les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Car ses frères et sœurs nés après l’indépendance de l’Algérie n’ont pas eu le même problème.

« On pensait quand même que cette affaire intéresserait la Cour européenne puisque c’est une affaire qui a été très loin. La Cour européenne l’a jugée alors que, dans l’immense majorité des cas, elle déclare les requêtes irrecevables dès le départ », explique l’avocat de Mohamed Zeggai, Guillaume Tapie, contacté par MEE.

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La cour a en effet initié des négociations pour un arrangement à l’amiable avec les autorités françaises. Des négociations durant lesquelles Mohamed Zeggai a réclamé la réattribution de sa nationalité ainsi que le versement de quelque 200 000 euros pour dédommagement matériel et moral.

Durant les négociations menées entre les deux parties par la CEDH, le gouvernement français a observé « qu’il s’agissait », dans le contexte de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, de « maintenir l’unité familiale au moment du transfert de souveraineté en faisant en sorte que les enfants mineurs suivent la condition de leurs parents au regard de la nationalité française », soulignant que « juger que la France a violé les articles 8 et 14 de la Convention reviendrait à bafouer les droits, reconnus aux Algériens, de choisir librement leur État d’appartenance ».  

Le droit français a donc offert à Mohamed Zeggai de recouvrer la nationalité française par voie de déclaration sur le fondement de la possession d’état (présomption légale permettant d’établir la filiation d’une personne), par voie de naturalisation ou par voie de réintégration.

La CEDH a relevé « que la troisième de ces options [la réintégration], sur laquelle le ministre de la Justice, le ministre de l’Intérieur et la cour d’appel de Douai ont attiré l’attention du requérant, semble spécialement appropriée à sa situation », tel que mentionné dans le communiqué de la cour. 

« Si on reconnaît les enfants nés de parents français avant 1962, cela ouvre des portes à quelques milliers de personnes. Des personnes un peu partout de l’Algérie suivent mon affaire et me considèrent comme leur porte-drapeau »

- Mohamed Zeggai  

Les deux parties n’ayant pas trouvé un terrain d’entente, la CEDH a conclu à la non-violation de l’interdiction de la discrimination combinée avec le droit au respect de la vie privée et familiale.     

La cour a considéré la requête de Mohamed Zeggai partiellement irrecevable « pour non-épuisement des voies de recours internes » puisque la Cour de cassation n’a pas jugé son affaire.

Son avocat a tenté d’introduire un nouveau recours mais ce dernier a été rejeté en octobre 2022 et l’arrêt a été rendu définitif par la cour à la date du 6 mars 2023.

« Si la cour tient à souligner que l’État défendeur a commis une erreur en délivrant une carte d’identité et une carte électorale à une personne qui n’avait plus la nationalité française, cette circonstance, aussi regrettable soit-elle, et quelles qu’aient pu être ses conséquences sur le droit au respect de la vie privée du requérant, est sans incidence sur la question soumise à l’examen de la cour, relative au caractère discriminatoire ou non de la différence de traitement que dénonce ce dernier », indique le communiqué de la cour.

« Un espoir pour tous les natifs de France »

En plus d’avoir saisi les différentes juridictions françaises et européennes, Mohamed Zeggai a frappé aux portes de plusieurs dirigeants, notamment le chef de l’État français Emmanuel Macron, en visite au Havre en avril 2022.

Sur une vidéo documentant le court échange, on peut entendre Emmanuel Macron promettre à Mohamed Zeggai d’être contacté par son chef de cabinet pour un entretien plus approfondi. Un appel qui n’a jamais eu lieu selon l’intéressé.

Son combat, Mohamed Zeggai le voit « comme un espoir pour tous les natifs de France » qui se battent pour l’obtention de la nationalité française. Il est convaincu que la France ne répond pas à ses revendications par peur de créer une jurisprudence.

« Si on reconnaît les enfants nés de parents français avant 1962, cela ouvre des portes à quelques milliers de personnes. Des personnes un peu partout de l’Algérie suivent mon affaire et me considèrent comme leur porte-drapeau », affirme Mohamed Zeggai à MEE.

« Ils ont un collectif en Algérie qui s’appelle les ‘’Natifs de France’’. Ils se battent depuis des années justement pour le même problème sans avoir jamais pu obtenir gain de cause. »

S’ils gagnaient, « l’affaire pourrait en effet inciter d’autres personnes qui se trouvent dans la même situation que M. Zeggai à venir réclamer au gouvernement une régularisation », déclarait Me Tapie à MEE avant la décision définitive de la Cour européenne des droits de l’homme.

Après plus de dix ans de combat, Mohamed Zeggai, qui n’a jamais mis les pieds en Algérie, se dit « défrancisé » et rejette les options qui lui ont été présentées par le gouvernement français. Je « préfère mourir sans papiers », affirme-t-il à MEE.

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